Le samedi 28 septembre : Trets
Je n’ai jamais eu un réveil facile… Mais ce jour-là, c’est particulièrement difficile.
Mon café et mon petit déjeuner n’ont suffi pour réactiver mes neurones et mes muscles. Je suis d’une humeur terrible !
Je charge la voiture :
- Mon carnet pour noter mes rencontres, le nombre de romans vendus et mes impressions.
- Un stylo 4 couleurs pour faire choisir la couleur de la dédicace.
- Les supports « publicitaires » pour qu’on repère mon stand.
- Et bien sûr, mon roman en X exemplaires.
Tout est prêt. La route n’est pas très longue et je n’arrive pas à desserrer les lèvres.
Je suis en colère, sans savoir pourquoi.
Je me connais. Je sais que « me vendre » n’est vraiment pas ma tasse de thé.
Pendant les signatures et au début du salon de Peyroules, j’étais si pétrifiée que j’étais incapable de raconter l’intrigue de mon livre. Tout ça est vite passé, évidemment, mais ce jour-là, quand je vois les tables installées sur le parvis de la mairie de Trets, j’ai un mauvais pressentiment.
J’avais prévu l’aide de mon frère, qui peut vendre du sable au Sahara… Mais vu l’espace restreint, j’y renonce.
La température est tombée, ma place est centrale et je dispose mes romans, ma petite déco et mon séant.
Il est déjà 10h : le salon ouvre ses portes.
Le froid commence par s’accompagner d’un faible mistral, glaçant les entrailles par bourrasque.
C’est plutôt calme.
Je vais faire un petit coucou à ma camarade Valérie Grefeuille, autrice de romans feel-good. Elle m’accompagne pour boire un café, sensé nous réchauffer… Un coup de vent, tout s’envole, son gobelet également et le liquide noir se répand sur une bonne partie de sa table et de ses romans.
Je l’aide comme je peux et retourne à ma place.
Quelques badauds se promènent devant les stands.
A ma gauche, une jeune femme souriante propose des romances et vend à un rythme régulier.
A ma droite, une Tretsoise semble clore la tablée des auteurs du cru. Ils se connaissent, parlent et vendent entre habitants de la ville.
Est-ce moi ? C’est possible. Mon humeur est restée inchangée. Je souris comme je peux, tente d’attraper quelques phrases toutes prêtes pour vendre. Je n’arrive à rien.
Le maire de Trets débarque. En bon politicien, il serre les pognes, sourit et reconnait quelques-uns de ses concitoyens. Il s’arrête juste avant moi. Je me dis qu’avec la chance que j’ai, je n’aurais même pas l’honneur d’une poignée de main. Il discute un peu, fait quelques photos et revient pour terminer son tour des tables. Il reprend juste après moi… J’insiste du regard. Il finit par serrer ma main et s’éloigner. Au final, il a échangé quelques mots avec ma camarade de gauche, quelques mots avec ma camarade droite mais il ne m’a rien dit, à moi. Tout juste s’il m’a souri.
Je ne lui en veux pas. Au contraire. Si j’avais été plus intuitive, j’aurais compris !
Ce qu’a fait le maire ce jour-là, c’est exactement ce que tous les visiteurs ont fait.
A 12h30, U Culture, organisateur du Salon du Livre et de la BD nous offre un repas dans l’enceinte du château.
Toujours accompagnée de mon humeur fracassante et de ma solitude, je trouve une place à la table des auteurs de BD. J’assiste alors à une remarquable conversation entre experts de la BD et de ses célèbres dessinateurs. On parle de FRANQUIN, GOSCINNY et UDERZO. On se souvient d’une époque où les salons étaient des lieux d’échange entre professionnels, lecteurs-mordus de bulles dans une grande convivialité. Silencieuse, j’écoute cette discussion de vieux briscards avec sourire et envie.
Puis, je suis le cortège pour revenir sur mon lieu de torture.
Le mistral s’est méchamment levé. Les supports publicitaires, les petits ouvrages et tous les objets légers valdinguent. Les auteurs ramassent çà et là leur petit barda…
Je ne manque pas, moi aussi de sécuriser mon stand : mes cartes de visite, mes flyers et les premières pages de mes romans s’envolent. Je réunis tout en un petit tas solide.
L’écrivaine tretsoise à ma droite se serre un peu de son thé, fait maison, et le renverse.
Je commence à sérieusement me dire que le problème : c’est moi !
Les organisateurs ont prévu un orchestre. Cor, tuba et guitare s’installent au milieu du Salon. Cela attire un peu de monde. C’est bien. Encore faut-il pouvoir parler par-dessus la musique pour présenter son ouvrage. Les musiciens conscients de ce désagrément, se déplacent.
Thalie Bannière autrice locale pour la jeunesse, de son grand sourire, propose de prendre quelques clichés pour alimenter les réseaux et rencontrer tout le monde. Elle a donc gentiment égayé ma journée.
Quant à moi, rien n’y fait. Je n’ai aucune excuse. Tout le monde vend. Tout le monde sourit. Tous les lecteurs sont ravis.
Est-ce moi ? Est-ce que je n’ai pas assez souri ? Est-ce que je n’ai pas bien présenté mon livre ? Est-ce que mes supports n’attirent pas l’œil ? Est-ce le froid ? Est-ce la musique ?
Je pourrais me trouver des excuses. En vérité, je le sais… C’était moi !
J’écourte ce salon, énervée et déçue.
Je me promets même, d’honorer les salons pour lesquels je me suis engagée puis d’arrêter.
Je quitte les auteurs « bankables » et me retire en silence, les larmes au bord des yeux.
Je ne suis pas faite pour ça.
Je suis nulle.
Je ne vendrais jamais aucun livre.
Personne ne s’intéresse à mon roman.
J’ai même dû envoyer un sms à une amie pour avoir un peu de réconfort.
Après cette journée désastreuse, ma famille et mon mari me réconfortent et m’encouragent à persévérer. S’ils n’avaient pas été là, j’aurais volontiers abandonné.
Je ne l’ai pas fait. Grand bien m’en a fait !
Ollivier ERRECADE et son roman
J'aime pas les gens.
Romain PAUTASSO et son thriller
Retour à Chester Hill
Thalie Bannière et son roman jeunesse
Dans son ombre
Et moi, tout sourire...
Prémices d’un désastre annoncé.
Avant : Trois mois en arrière lorsque j’ai fait mes démarches pour participer aux manifestations littéraires de ma région, le Salon du Livre et de la BD de Trets a refusé ma candidature.
Quelques semaines plus tard, un second mail atterri dans ma boîte de réception. Si je suis toujours disponible, ils veulent bien me recevoir à cet évènement.
Je viens de sortir mon roman. Personne ne me connait et j’ai un budget publicitaire avoisinant le zéro euro !
Bref, après rectification de mon programme et de mon organisation, j’accepte !
Donc me voilà prévu dans une manifestation littéraire qui m’avait refusé au départ…
A l’approche de la date, on m’envoie l’affiche et le déroulement de la journée. Je fais circuler les infos sur mes réseaux…
Après : J’ai mis longtemps pour écrire cette rubrique. Pourquoi ? Parce que je ne voulais pas être méchante. Je voulais rester bienveillante et remettre les choses dans leur contexte. Entendez-moi bien ! Je suis responsable pour grande partie de ce rendez-vous raté… Mais, en terminant les phrases du dessus, je retourne sur la page de l’évènement et je constate que le programme du Salon, page2, ne contient même pas mon nom. M’ont-ils donc carrément oubliée ou peut-être m’ont-ils invitée comme un bouche-trou de dernière minute ?
Alors oui, c’était une mauvaise journée.
Oui, je m’en sens un peu déçue, un peu vexée et en proie à des doutes.
Mais c’est une expérience… J’ai tiré mes leçons.
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